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Une cession de droits d’auteur à titre gratuit est possible et parfaitement licite dès lors que la rémunération « zéro » est clairement stipulée et acceptée par l’auteur par écrit. Du moment qu’un auteur a ainsi une « claire conscience » (Cour d’appel de Paris, 25 novembre 2005, RG n°04/2005, disponible ici; également Cour d’appel de Paris, 18 septembre 2013, RG n°12/02766, disponible ici) qu’il cède ses droits d’auteur à titre gratuit, l’accord est supposé valable.

Cette règle en apparence assez logique est toutefois source de contentieux. La raison principale en est qu’au moment où un auteur cède ses droits à titre gratuit, il n’a pas nécessairement conscience du succès potentiel de son œuvre et des retombées économiques possibles. D’autres considérations l’intéressent sur l’instant : exister auprès du public, faire plaisir à une connaissance, à son éditeur, à un ami, obtenir une contrepartie en nature : un rôle, des avantages, etc. Dès lors, le succès venu, il peut arriver que l’auteur vive la gratuité comme une véritable injustice.

Dans ce cas, la loi ne lui est franchement pas favorable. En effet, sauf à établir qu’il ait été contraint de signer un acte qu’il ne souhaitait pas, ou que la gratuité lui ait été dissimulée derrière une clause ambigüe, l’auteur n’a aucun moyen de revenir sur son engagement. En tout cas, le déséquilibre entre le succès de l’œuvre et la rémunération de 0 euro n’est pas un argument. D’ailleurs, paradoxalement, il suffit que l’auteur reçoive tout juste 1 centimes d’euros pour la cession de ses droits pour qu’il soit fondé à faire valoir le caractère dérisoire de sa rémunération une fois le succès venu, et demander la nullité de son contrat pour défaut de cause mais à 0 Euros, il ne peut rien faire.

Dans la décision commentée, deux auteurs d’une pièce de théâtre et leur producteur avaient conclu un contrat de cession des droits d’auteur qui prévoyait, en raison des liens personnels et amicaux qui les unissaient, une absence de rémunération au titre des représentations théâtrales, ce qui laissait penser aux auteurs que leur contrat était nul, et au Producteur, qu’il s’agissait d’une cession à titre gratuit.

Le Producteur a obtenu gain de cause aux motifs que le contrat ne souffrait selon les juges d’aucune difficulté d’interprétation rappelant que « que l’article L 122-7 du code de la propriété intellectuelle prévoit expressément que la cession du droit de représentation et du droit de reproduction peut être consentie à titre gratuit ; que dans cette hypothèse le cessionnaire peut exploiter commercialement l’œuvre ainsi cédée, l’auteur étant libre de renoncer à percevoir des droits patrimoniaux sur cette exploitation s’il a eu une claire conscience de ce qu’il cède à titre gratuit ».

La difficulté de cette affaire résidait dans le fait que, selon les auteurs, la gratuité supposée du contrat n’avait pas été appliquée entre les parties car de nombreux documents, et en particulier des paiements de droits d’auteur, établissaient selon eux qu’une rémunération de droits d’auteur avait été actée entre les parties à hauteur de 10% des Recettes. Preuve en était que plusieurs règlements de droits auraient été faits en 2010 et 2011… Mais voilà cet argument n’a pas convaincu les juges qui ont jugé qu’en tout état de cause, un accord verbal était insusceptible de modifier la clause du contrat stipulant clairement la gratuité. La solution peut se comprendre car il aurait fallu en toute logique un écrit pour modifier le contrat.

Mais que penser des versements de droits d’auteur effectués par le producteur ?

Ne peut-on pas considérer qu’en rémunérant à plusieurs reprises les auteurs à hauteur de 10% des recettes alors que le contrat prévoyait justement une cession à titre gratuit, le Producteur aurait renoncé à la gratuité de son contrat, après que l’auteur ait lui-même renoncé à son paiement de droits d’auteur ? C’est discutable.

Le juge n’est en tout cas pas de cet avis. Sa motivation aurait toutefois gagné à être développée :

« Considérant qu’il résulte des pièces produites aux débats qu’en réalité quelques paiements ponctuels ont été effectués par la SARL L.I.A. PRODUCTION sur une période de cinq mois en 2011, soit plus d’un an après le début de l’exploitation de la pièce de théâtre, sans que ces versements isolés et ponctuels suffisent à prouver que les parties auraient convenu, dès le 01 janvier 2010, de versements de droits d’auteur aux appelants ; ».

 

Décision : Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2013, RG n°12/11741, à télécharger ici

 


Boris Khalvadjian – Avocat à la cour- PARIS
Spécialisé dans la Culture, Communication, Divertissement, Production TV et Cinéma, Publicité, Production numérique, Jeu-vidéo, Design, Mode, Œuvres d’art, Musique, Édition littéraire, Photographie, Presse (vie privée, image, diffamation), Spectacle vivant, Sport.
Droit d’auteur, propriété intellectuelle, littéraire, artistique, droit de la musique. Rédaction de contrats d’artistes, d’édition, de production, de coproduction de management, de licence de distribution. Conseil en négociation et rédaction de contrats d’artistes, gestion de contentieux, rupture de contrats, non-respect de contrats, violations de droits d’auteurs ou droits voisins, de plagiat et de contrefaçon, gestion des litiges pouvant naître entre les acteurs de la création.
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